Une fondue moitié-moitié

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La vie est parfois, même souvent surprenante. Début octobre, Éric et Dorothée, des amis alsaciens nous rendent visite. Après les retrouvailles, question fatidique: « Alors, comment ça va ton nouveau job à Montreux? » Un peu gênée, je réponds: « Ben, je viens de démissionner. » Même pas un silence, un instant où vos invités qui ne savent plus où se mettre cherchent des paroles réconfortantes! Dorothée me saute dans les bras: « Génial! Bravo! Je te félicite. » Je reste scotchée par sa réaction spontanée:
– T’es sûre que c’est génial?
– Oui, enfin tu pourras faire autre chose!
Il faut dire que les trois adultes présents à ce moment dans notre cuisine ont tous délaissé l’éducation nationale: Dorothée et Éric justement, ainsi que mon mari. Ne soyez pas mauvaise langue et ne croyez pas qu’ils aient démissionné pour trouver une place de prof grassement payée en Suisse! Mon mari, un vrai autodidacte est devenu graphiste. Dorothée travaille pour le site Pass-education.fr, une mine d’or pour les profs qui cherchent du matos. Quant à Éric, ancien prof d’allemand dans le nord de la France, il est maintenant traducteur à la Coop. Ils ont tous réussi leur reconversion professionnelle. Tellement de collègues m’ont dit qu’il est difficile pour un enseignant de se reconvertir dans un autre domaine. Pourtant, je suis convaincue que je ne suis pas la seule à vouloir changer de métier. L’enseignement = une prison dorée. C’est ce que pensent souvent les enseignants. Le parcours de mes amis et de mon mari me réconforte. Ils ont pris un risque qui s’est avéré gagnant.
Le soir, nous allons manger une fondue chez Boudji et nous y mêlons nos expériences, nos espoirs et nos conseils. C’est bon, c’est appétissant. Moitié réconfort, moitié bienveillance, la fondue est réussie.
Quelques jours plus tard, Dorothée continue à être ma bonne fée et m’envoie un message de soutien. Elle me parle de sa copine Odile qui travaillait dans le social: elle cherchait des emplois pour réinsérer des personnes au parcours chaotique. Mais un jour, elle en a eu marre. Aujourd’hui, elle travaille à la librairie et à l’accueil de la Comédie de Colmar. Actuellement, elle postule au théâtre municipal de la même ville où une place s’est libérée. Quatre ans auparavant, au cours d’un repas, Dorothée et Odile évoquaient la possibilité de démissionner de leur emploi respectif. En 2022, elles peuvent trinquer à leur réussite.
Odile, je ne te connais pas. J’espère que tu as décroché la place au théâtre de Colmar. Je rêve d’une fondue moitié-moitié que nous pourrions partager avec Dorothée.